Cette avant-dernière saison interpelle d’abord par le changement de la moitié des voix principales en version française. Même si je suis plutôt adepte de la VF (n’en déplaise aux intégristes de la VO qui considèrent la version doublée comme le mal incarné), je dois reconnaître que les nouvelles voix sont d’une grande faiblesse. Celle de Chandler est particulièrement décevante, d’autant plus qu’Emmanuel Curtil, le prédécesseur, était très talentueux, et que cette voix est on ne peut plus importante pour un vanneur invétéré comme Chandler. Avec cette nouvelle voix, ses blagues tombent à plat et c’est fort dommage. La voix de Rachel n’est pas franchement meilleure, elle est assez plate et sans réelle personnalité. Bof. Il n’y a que la voix de Joey qui soit à peu près dans le même esprit que la précédente. Bref, tout cela pour dire que j’ai dû regarder cette saison en version originale. Bien sûr, regarder Friends en VO n’est pas non plus un calvaire, mais je ne m’habituerai probablement jamais à la voix geignarde et nasillarde de Jennifer Aniston, ni à celle de Matthew Perry, moins expressive que celle de Curtil. Par ailleurs, les anti-VF critiquent souvent les rires enregistrés qui y apparaissent, mais ce n’est pas vraiment mieux en VO. Le « vrai » public s’esclaffe à chacune des répliques des personnages, même si elle n’est pas drôle !
Mais le principal ne réside de toute façon pas là mais bien dans les épisodes proprement dits, et il faut bien reconnaître que cette saison est probablement la moins bonne de toute la série. Elle tourne globalement en rond et présente moins de fraîcheur et de nouveauté que les précédentes. On y trouve certes des choses nouvelles, comme la petite Emma qui bouleverse le quotidien de Ross et plus encore de Rachel, mais également Mike, la première relation sérieuse de Phoebe, ou encore les problèmes de travail et de couple de Chandler et Monica. Mais à vrai dire, tout cela ne paraît pas parfaitement exploité. La naissance d’Emma semble un poids pour Ross et Rachel, ou du moins pour le spectateur. Ces personnages ne sont désormais plus libres de leurs mouvements et doivent sans cesse être présents pour la garder. C’était plus simple avec Ben, puisque celui-ci était gardé par Carol, que l’on voyait rarement. Ici, Emma est donc quasi omniprésente, et les intrigues autour des nounous, de la garde, etc. ne sont franchement pas très passionnantes. Autre remarque : Rachel semble bien plus investie que Ross concernant sa fille. On en oublierait presque que c’est lui le père !
Même avis mitigé pour Phoebe. D’un côté, on est content que ce personnage abonné aux amours éphémères et aux intrigues secondaires ait enfin une histoire de premier plan (c’est fou, mais sur les huit premières saisons, ce personnage n’a eu droit qu’à une seule vraie intrigue : lorsqu’elle a été enceinte des triplés ; on pourrait également évoquer la quête de ses racines, mais l’intrigue n’est pas condensée, plutôt disséminée). Je n’ai rien non plus contre Mike, personnage plutôt sympathique, qui est en outre à l’origine de plusieurs épisodes savoureux (la première rencontre à quatre au restaurant, ou encore ce savoureux tête-à-tête avec Ross), mais on se demande finalement pourquoi lui plutôt qu’un autre. À vrai dire, Mike manque un peu de personnalité : on ne sait au final pas grand-chose de lui, et on ne s’y attache pas complètement. Et on a tout de même du mal à comprendre que Phoebe la déjantée puisse avoir un coup de foudre pour un personnage aussi « ordinaire ». Et il faut aussi reconnaître que Phoebe est parfois méconnaissable dans cette saison, en particulier lorsqu’elle évoque sa passion pour le mariage, dont elle n’avait jamais parlé auparavant.
Concernant Chandler, son passage-éclair à Tulsa n’apporte finalement pas grand-chose, si ce n’est que cette situation est à l’origine de sa démission, qui rend la vie de son couple bien plus difficile. En pleine reconversion, Chandler est même obligé d’accepter un stage non rémunéré dans la publicité, ce qui portera finalement ses fruits, puisqu’il sera engagé à son terme pour un poste de rédacteur junior. Nouvelle qui nous réjouit à double titre : la situation économique du couple, qui commençait à devenir critique, va enfin s’améliorer, et Chandler fait enfin un métier qui l’intéresse. Il y a également ses problèmes biologiques : nous apprenons à la fin de la saison que notre couple est « incompatible » et donc stérile, et a pour unique solution l’adoption. Cette intrigue propose certes quelques moments émouvants (à la fin de la saison), mais les nombreuses allusions, durant toute la saison, à la procréation sont à la longue un peu répétitives.
Un autre défaut repose sur les intrigues sentimentales un peu ennuyeuses, en particulier entre Joey et Rachel. Joey en était éperdument épris lors de la saison précédente : c’est au tour de Rachel d’éprouver ces sentiments, dont elle prend conscience vers les trois quarts de la saison. On remarque que les scénaristes ont fait durer le plus possible cette intrigue : il faut que chacun des deux personnages prenne conscience de ses sentiments envers l’autre, et qu’ils finissent par l’avouer. Cela n’a l’air de rien, mais ça prend tout de même une saison et demie. Pour Ross et Rachel, cela passait car le couple était attachant. Mais c’est beaucoup moins vrai de Joey et Rachel, qui n’ont pas grand-chose en commun. Nos deux tourtereaux finissent quoi qu’il en soit par s’embrasser à la toute fin de la saison, pour ce qui constitue probablement l’un des cliffhangers les moins réussis de la série – car prévisible et peu enthousiasmant.
Il y a également quelque chose de moins Friends dans cette saison. Les intrigues sentimentales, notamment avec le carré amoureux Joey-Charlie-Rachel-Ross, rappellent plutôt Les feux de l’amour. Et plus généralement, quelque chose a clairement disparu lors de cette saison. Lors des précédentes, même les moins bonnes, comme la 6 ou la 7, même dans les épisodes les moins aboutis, l’ensemble se regardait malgré tout avec un certain plaisir, et ce n’est pas ici le cas, du moins pas dans certains épisodes, diablement lents, longs (certains font 30 minutes !) et reposant sur du déjà-vu. Le rat de Phoebe rappelle la souillon qu’a fréquentée Ross il y a quelques saisons, l’attitude de Chandler et Ross à l’hôtel évoque le côté pique-assiette de ce dernier esquissé dans l’épisode 8.2, et l’on retrouve toujours les mêmes ingrédients, comme certains rapprochements entre Ross et Rachel, les chansons de Phoebe (devant le resto de Monica), avec les disputes et réconciliations qui en découlent, Joey qui aime manger et qui comprend de moins en moins, Ross qui ne sait pas draguer, un nouveau retour de David... En parlant de ce dernier, la double demande en mariage finale ressemble à celle de Richard et Chandler, il y a quelques saisons. Comme un symbole, la doublette finale, traditionnellement garante d’une grande qualité, est ici faiblarde. Elle est prévisible, trop « Feux de l’amour » et manque singulièrement de rythme et de rebondissements.
Et outre cet aspect peu novateur et ce manque d'inspiration, il y a pire encore : l’humour pipi-caca se fait de plus en plus présent, entre la fille bizarre que rencontre Ross, qui va aux toilettes toutes les deux minutes, Phoebe qui vomit pendant un repas, Chandler qui dit s’être fait dessus, ou l’ex de Mike qui a déféqué sur son… (il ne termine pas sa phrase), cela devient franchement lourdingue. Où diable est passée la subtilité d’antan ? Pour ne rien arranger, certains personnages sont assez mal exploités. Gavin, le remplaçant de Rachel, aurait probablement pu apporter bien plus. Ce personnage, que Rachel embrasse furtivement une soirée, semblait, malgré un machisme assez prononcé, par ailleurs assez subtil, et ses blagues étaient plus amusantes que celles de Chandler, qui s’essouffle d’ailleurs un peu avec le temps. Le fait qu’il était capable de tenir tête à Rachel était également intéressant. Bref, il aurait sans doute pu apporter un peu plus, que ce soit dans la sphère privée (en ayant une relation avec Rachel) ou professionnelle (son côté « rival » aurait pu apporter un peu de piment et de suspense).
Heureusement, on trouve tout de même quelques bons épisodes, comme « Celui qui était vexé », l’épisode de Thanksgiving, où Christina Applegate, en sœur pourrie-gâtée de Rachel, fait une apparition remarquée, ou encore « Celui qui allait chez le pédiatre », où l’on trouve notamment la première rencontre entre Mike (trouvé par hasard par Joey !) et Phoebe. De même pour « Celui qui n’osait pas dire la vérité » où Chandler fait semblant de rester à Tulsa alors qu’il est avec Monica, et où l’on assiste au tête-à-tête Mike-Ross. Pas mal aussi, l’apparition de Jeff Goldblum dans « Celui qui se faisait agresser ». Tout n’est donc pas négatif, mais cette neuvième saison n'en demeure pas moins la moins bonne saison de Friends. Et la seule à être par moments déplaisante.
Meilleurs épisodes (par ordre chronologique) :
Celui qui allait chez le pédiatre (9.3)
Celui qui était vexé (9.8)
Celui qui n'osait pas dire la vérité (9.9)